André, mon élève est anxieux
Dans notre quotidien d’enseignant.e. spécialisé.e, il nous arrive régulièrement d’être confronté.e à des élèves anxieux.
L’anxiété est une co-occurrence assez fréquente chez les élèves autistes et cela peut déboucher parfois sur des situations de crise plus ou moins importantes.
Il y a plusieurs facteurs qui peuvent générer ces crises et les personnes autistes en témoignent de plus en plus ce qui éclaire vraiment notre compréhension. Elles font d’ailleurs la différence entre une crise d’angoisse et une crise autistique. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette différence.
Mon élève, André, manifeste et exprime de nombreuses peurs. Par exemple, il a peur de ne pas être le premier de la classe, peur de faire des erreurs sur sa fiche de maths, peur de manquer quelque chose lorsqu’il sort un moment de la classe pour aller aux toilettes par exemple, peur de la sortie scolaire prévue pour la semaine suivante, peur de ne pas pouvoir voir ses grands-parents durant le week-end, etc.
Ses peurs se traduisent du coup souvent par une agitation motrice, un besoin de crier ou lorsqu’il n’arrive plus à se retenir de donner des coups de pied autour de lui.
Dans le quotidien d’une classe, gérer les crises d’angoisse peut s’avérer délicat si les outils de gestion de l’anxiété n’ont pas été mis en place. Ces outils sont souvent élaborés par des psychologues ou neuropsychologues au fait des mécanismes cognitifs sous-jacents à l’anxiété en lien avec la condition autistique. D’où la nécessité de travailler de façon interdisciplinaire entre professionnel.le.s de l’éducation et thérapeutes spécialisés en autisme.
En classe, pour aider Pierre, en plus du travail que peut faire un.e psychologue en cabinet, l’enseignant.e peut s’appuyer sur des outils visuels, comme différentes échelles (émotions, anxiété, excitation, etc.), des scénarios sociaux illustrant la manière dont l’élève peut réagir autrement à telle ou telle autre situation qui le stresse, etc. et évidemment aménager les espaces et le déroulement de la journée de façon la plus explicite possible.
En tant qu’enseignant.e, il est aussi intéressant de préparer un atelier autour des émotions et y aborder ainsi aussi l’anxiété. Et comme notre élève est loin d’être le seul à vivre des émotions fortes, ce travail mené en collectif (avec tous les aménagements utiles pour répondre aux besoins de chacun.e de nos élèves) devient un autre moyen possible pour utiliser les outils préparés en amont par toute une équipe experte. Car c’est peut-être sur ce point précis qu’il y a une réflexion à mener entre professionnel.le.s.
La coopération, c’est-à-dire la co-préparation de la leçon prend tout son sens, car s’il faut travailler sur les émotions en collectif, ce sont les outils (livres, supports visuels, audio, etc..) et les modalités de la leçon qui peuvent faire la différence… En effet, la plupart des enseignant.e.s en milieu ordinaire travaillent sur les émotions, compétence transversale à traiter dans le programme, mais leur leçon parfois est abordée de façon encore trop globale par rapport aux besoins de certain.e.s de nos élèves.
Et c’est à travers le croisement des regards des différents acteurs qui gravitent autour des élèves qu’il est possible de préparer, au final, une leçon qui conviendra à chacun.e.
La difficulté de trouver du temps pour la coopération est un réel problème dans nos écoles aujourd’hui, mais cela concerne un autre registre organisationnel qui va au-delà des compétences des simples acteurs du terrain.
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