Le défi de la collaboration entre enseignants et autres intervenants dans l’école inclusive
La collaboration entre enseignants et autres intervenants est un enjeu majeur pour la réussite de l’école inclusive. Cette collaboration peut prendre différentes formes telles que le travail en réseau, le coenseignement, le soutien à l’enseignant, l’intervention en classe, la participation à des projets d’établissement, ou encore le travail sur la relation école-famille.
Les principaux obstacles que l’on peut observer sur le terrain pour une collaboration optimale entre les différents acteurs de l’école sont parfois dus à des différences de culture professionnelle, à une absence de temps et de moyens dédiés, ou encore une à une méconnaissance des rôles et des compétences de chacun.
J’entends aussi parfois des voix se prononcer contre les intervenant.es expert.es en les considérant comme des freins au processus inclusif, qui est considéré plutôt comme le fruit d’une collaboration plus « universelle » (généraliste ?). Je me demande s’il y a lieu d’opposer ainsi expertise et universalisme (concept qui traverse les temps).
Peut-être que le vrai défi de la collaboration entre enseignants et autres intervenants dans l’école inclusive, est dans la mise en place des conditions favorables à cette collaboration, telles que des formations communes, des temps de concertation réguliers, une clarification des rôles et des responsabilités de chacun, ou encore des outils de communication adaptés.
Le mot-clé est donc bien collaboration, ce qui suppose que personne ne se substitue aux compétences de l’autre, mais elle se forge autour de la réalité de l’élève concerné dans le groupe-classe, tout aussi acteur que l’élève. Des solutions sont discutées au cas par cas. Donc, il n’y a pas de modèle standard ou des solutions prêtes à l’emploi : pour chaque élève, chaque année les modalités d’accompagnement seront différentes. Seule la méthodologie en est le dénominateur commun, et la figure d’un coordinateur en est le pivot : sans elle, tout le système s’écroule ou s’épuise.
Cette dimension organisationnelle et/ou méthodologique est cruciale pour la mise en place de l’école inclusive. De nombreuses études d’ailleurs vont dans ce sens : il faut aujourd’hui se pencher plus que jamais sur la dynamique et la cohérence du groupe au sein de la classe, mais aussi au sein du réseau où devraient se fédérer toutes les personnes accompagnant les élèves concernés par des mesures spécifiques.
Qui, aujourd’hui, dirige ce réseau et quel temps concrètement a-t-il pour le faire ? Et quelles sont ses compétences ?
Être un coordinateur, pivot s’il n’en faut, est un travail à part entière. Mais quel facilitateur !
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Que dit la recherche sur la scolarisation des élèves autistes en milieu ordinaire ?
A l’heure où en Romandie on se pose encore la question de savoir si les élèves autistes doivent ou pas rejoindre les bancs de l’école ordinaire, la recherche nous apporte des éléments utiles pour la réflexion.
Il y a en effet plusieurs études récentes qui démontrent les bienfaits de la scolarisation en milieu ordinaire pour les élèves autistes.
Une étude menée en 2020 par l’Université de Californie a comparé les résultats des élèves autistes qui avaient été inclus dans des classes régulières avec ceux qui avaient été placés dans des classes spéciales. Les résultats ont montré que les élèves inclus ont obtenu des résultats significatifs meilleurs en lecture et en mathématiques que les élèves dans des classes spéciales.
Une étude de 2019 publiée dans la revue Autisme a examiné les expériences d’inclusion des élèves autistes dans les écoles primaires et secondaires. Les résultats ont montré que l’inclusion était associée à une meilleure qualité de vie, une meilleure estime de soi et une plus grande satisfaction globale des élèves autistes.
Une autre étude menée en 2018 par l’Université de Montréal a examiné l’impact de l’inclusion des élèves autistes dans les classes régulières sur la socialisation et l’apprentissage. Les résultats ont montré que les élèves inclus avaient une meilleure socialisation et une plus grande motivation à apprendre que les élèves dans des classes spéciales.
Ces études, parmi d’autres, prouvent que l’inclusion peut offrir des avantages significatifs pour les élèves autistes, notamment en termes de réussite scolaire, de bien-être et de socialisation.
Qu’est-ce qu’on attend en Romandie pour aller encore plus de l’avant ? Quels sont les réels obstacles ? Idéologiques ? Financiers ? Politiques ? Autre ?
Il va de soi que la scolarisation des élèves à besoins spécifiques, vu notre système historiquement ségrégatif, va demander des efforts, une remise en question, une vision constructive de la neurodiversité … et tout cela débouche obligatoirement par la mise en place de cours, dès la formation initiale, sur les « intelligences multiples », si bien défendue en neurosciences, avec ensuite des formations continues et concrètes sur le terrain pour ancrer les nouvelle pratiques.
Des pays européens et hors d’Europe ont déjà emprunté cette voie depuis longtemps, avec succès.
Articles :
- Maggin, D., Chafouleas, SM, Goddard, K. et Johnson, A. (2020). Comparaison des résultats scolaires des élèves autistes dans des contextes inclusifs et ségrégués. Éducation corrective et spécialisée, 41(3), 142-152.
- Bowler, DM, Jones, CRG et Gardiner, E. (2019). Inclusion des personnes autistes tout au long de la vie : une revue systématique des interventions favorisant l’inclusion sociale.
- Égalité, N., & Tremblay, RE (2018). Inclusion des enfants atteints de troubles du spectre autistique dans les classes d’enseignement général : une revue systématique. Journal de l’autisme et des troubles du développement, 48(12), 3876-3892.
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Le coaching par les pairs : une piste à explorer
La littérature scientifique met en exergue le coaching par les pairs comme un des facteurs de la réussite de la scolarisation des élèves autistes (et d’autres).
J’en ai fait l’expérience depuis plusieurs années dans l’école où je travaille et toujours avec des supers résultats : meilleure compréhension mutuelle, développement de l’empathie et du sens de la différence dans la vision plus large de la neurodiversité.
Le coaching par les pairs pour les élèves autistes peut prendre différentes formes. Par exemple, les binômes-coachs peuvent aider les élèves autistes à naviguer dans les interactions sociales en leur fournissant des stratégies pour initier et maintenir des conversations, interpréter les expressions faciales et le langage corporel, et résoudre les conflits.
Les pairs-coachs peuvent également aider les élèves autistes à s’organiser et à gérer leur temps, à comprendre les attentes des enseignants, à s’adapter aux changements dans leur emploi du temps et à gérer les transitions entre les activités.
Mais attention être coach d’un élève autiste, ça se prépare 🙂 !
L’approche clé pour le coaching par les pairs est donc de s’assurer que les pairs-coachs sont bien formés et préparés à travailler avec leur camarade. Cela peut impliquer une formation pour les binômes-coachs sur les caractéristiques de l’autisme, les stratégies de communication efficaces et les techniques de coaching.
Il est également important que les binômes-coachs soient conscients de leurs propres préjugés et de leurs limites en matière de compétences. Les pairs-coachs doivent être capables de reconnaître quand il est approprié de demander l’aide d’un enseignant pour soutenir leur camarade.
Enfin, pour que le coaching par les pairs soit efficace, il est important que les enseignants et les professionnels de l’éducation soient intégrés dans le processus. Les enseignants peuvent, par exemple, aider à identifier les élèves qui bénéficieraient d’un coaching par les pairs et fournir des orientations et des commentaires aux pairs-coachs pour améliorer leur travail.
Je propose régulièrement par le biais de Education Inclusive un atelier ZOOM ou en présentiel sur une des approches préconisées pour la formation des élèves-coaches, vidéos et documents à l’appui sur la base de mon expérience sur le terrain. Pour connaître les prochaines dates n’hésitez pas à consulter le site ou à vous abonner à nos réseaux sociaux. Nous y diffusons notre actualité 🙂
PS :
Voici quelques articles pour les curieux 🙂 et pour aller plus loin :
- Carter, EW, Asmus, JM, Moss, CK, Biggs, EE, Bolt, DM, Born, TL, … & Weir, K. (2014). Stratégies de soutien par les pairs pour améliorer la vie sociale et l’apprentissage de tous les élèves. Recherche et pratique pour les personnes gravement handicapées, 39(1), 3-16.
- Finnegan, EG, Garwood, JD et Edelstein, H. (2016). Interventions médiées par les pairs pour accroître les compétences d’interaction sociale des enfants atteints de troubles du spectre autistique : considérations pour la pratique en milieu scolaire.
- Lai, MC et Kasari, C. (2013). Une étude longitudinale de la relation entre le développement du langage et le développement social chez les enfants atteints de troubles du spectre autistique. Journal de l’autisme et des troubles du développement, 43(2), 276-288.
- Trembath, D., Balandin, S., & Togher, L. (2010). Enseignement par les pairs et communication améliorée et alternative pour les enfants d’âge préscolaire atteints d’autisme. Journal de l’intellectuel et du développement
- Kasari, C., Rotheram-Fuller, E., Locke, J. et Gulsrud, A. (2012). Faire le lien : Essai contrôlé randomisé sur les habiletés sociales à l’école pour les enfants atteints de troubles du spectre autistique. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 53(4), 431-439.
- Liu, KP, Wong, WW et Chen, LY (2013). Effets des interventions médiées par les pairs sur les interactions sociales et les compétences de jeu des enfants atteints de troubles du spectre autistique : une revue systématique.
- Santangelo, SL, & Cardon, TA (2020). Une méta-analyse des interventions médiées par les pairs pour les enfants atteints de troubles du spectre autistique. Recherche sur l’autisme, 13(2), 165-179.
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Comprendre l’autisme, un bon début pour construire l’école inclusive
Je dis souvent dans les différentes formations des enseignant.es que j’ai le plaisir de co-animer avec des collègues un peu partout en Romandie, que lorsqu’on comprend le fonctionnement d’un élève autiste, on a toutes les clés en main pour réussir à implanter le modèle d’une école inclusive.
Pourquoi ?
Si je devais résumer grossièrement, je dirais que la condition autistique apporte au groupe-classe un regard différent sur le social, parce que les personnes autistes ont une manière différente d’aborder le social.
Comprendre leur manière de vivre le social, c’est au final avoir tous les outils & stratégies utiles pour développer au sein d’une classe le juste équilibre entre tous les élèves. Et lorsque l’équilibre est là, l’accès aux apprentissages est là aussi.
Il n’y a rien de plus social qu’une classe… et on s’étonne encore que les élèves autistes peuvent en être potentiellement des désorganisateurs ? Nous le serions aussi si, comme eux, nous ne traitions pas de façon intuitive le social.
Donc, ce n’est pas très compliqué : pour implanter un modèle inclusif dans les écoles, partir de la réalité de ces enfants qui, de par leur propre fonctionnement, interroge et du coup bouscule le cadre social, est un grand atout.
La réponse n’est pas tant dans les outils&stratégies, car ces derniers sont souvent déjà connus par le plus grand nombre et utiles pour tous les élèves, mais elle est dans la compréhension du fonctionnement de ces enfants qui ont une approche différente de la notre sur le plan social.
C’est absolument passionnant de travailler avec ces élèves, car au-delà des questions pratico-pratiques auxquelles ils nous invitent à répondre de façon pressante sur le terrain (et là, franchement il vaut vraiment mieux être spécialisé.e en autisme pour éviter les faux modèles/débats/blabla inclusifs …), ils nous interpellent sur le sens même du social, de la relation sociale, du lien.
Et nous voilà d’un coup plongé.es au cœur des débats les plus actuels dans le domaine de l’anthropologie, de la philosophie et des sciences sociales.
L’autisme, c’est ça : une invitation à un voyage au cœur de l’essentiel. Et l’essentiel se situe toujours dans la rencontre avec l’autre. Une vraie rencontre.
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Education Inclusive, forte de son expérience, part de la réalité du terrain et fait de l’école inclusive non pas un modèle Top-Down, mais un modèle Bottom-up. L’universel, cet idéal, se pense en partant de la base.
Et, vous savez quoi ? Une école pour tous en partant de la compréhension sociale des élèves autistes, ça marche 😉
Preuves à l’appui.
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