Comment développer les compétences sociales des élèves autistes en milieu ordinaire ?
Présentation générale
Lorsqu’on parle d’autisme, la première chose qui vient à l’esprit en général c’est la difficulté des personnes autistes à comprendre le social, à l’interpréter et au final à se mettre en relation avec les autres.
Dans notre formation, nous nous poserons déjà la question de savoir si cette vision des difficultés est partagée par les personnes elles-mêmes et ce qu’elles ont à nous dire sur leur manière de vivre le social. Puis, nous présenterons les outils à notre disposition pour évaluer les compétences sociales des élèves et enfin nous proposerons des outils et stratégies utiles pour pouvoir développer, en tenant compte de leur point de vue, les compétences nécessaires en société.
Objectifs d’apprentissage
- identifier les forces et les besoins des personnes concernées de leur point de vue
- préciser le fonctionnement autistique en lien avec les compétences sociales
- présenter les outils d’évaluation dans le domaine des compétences sociales
- présenter les outils et stratégies utiles pour travailler sur les compétences sociales en milieu ordinaire
Date·s
- 30.01.2025
- 31.01.2025
Horaire
09:00 – 17:00
Lieu:
Haute école de travail social et de la santé Lausanne
Unité de formation continue
Chemin des Abeilles 14
1010 Lausanne
Inscription: click here
S1, E6 – Chronique d’un petit quotidien en classe : Pierre et les aspects sensoriels
“Je suis très sensible aux odeurs, en particulier celles qui se révèlent de la nourriture.
Je peux devenir physiquement malade si je suis à une odeur forte pendant trop longtemps.
À l’école, cela peut être un défi car il y a souvent des odeurs fortes
dans les cantines et les salles de classe.”
Cette phrase aurait pu être formulée par Petit Pierre à sa maîtresse, mais comment peut-elle agir sur les odeurs de sa classe ?
Ce genre de situation, couplée à d’autres spécificités de l’élève autiste et aux besoins de plus en plus hétérogènes du groupe-classe, peuvent conduire à un sentiment de découragement chez mes collègues de l’ordinaire qui se sentent démunis. Et c’est vrai : comment apporter du réconfort à Petit Pierre dans ce contexte alors que les odeurs, pour reprendre cet exemple, ne dépendent pas du bon vouloir de l’enseignante ?
Les particularités sensorielles sont associées à des différences dans le traitement de l’information dans le cerveau. Plusieurs études ont montré des anomalies dans la connectivité neuronale et dans le traitement de l’information sensorielle. L’une d’elle a montré que les personnes autistes ont une connectivité réduite entre les différentes régions cérébrales impliquées dans le traitement sensoriel (Just et al., 2007). Une autre étude a montré que les personnes autistes ont une hypersensibilité visuelle qui est associée à une activation plus importante des régions cérébrales impliquées dans le traitement visuel (Baruth et al., 2010).
La première conclusion qu’on tire, c’est que Petit Pierre et tous les enfants comme lui ne font pas exprès. Mais ces particularités sensorielles ont un impact sur la vie quotidienne des personnes autistes, y compris donc dans le contexte scolaire, comme l’exemple de Pierre nous le montre. Les enseignants peuvent d’ailleurs observer d’autres comportements atypiques chez lui en raison de ses particularités sensorielles. Par exemple, il peut parfois être sensible aux bruits forts et se boucher les oreilles ou, en pleine leçon, se couvrir la tête pour se protéger, une fois il est même parti de la classe. Petit Pierre est aussi hypersensible à la lumière et une fois, il s’est mis sous la table pour l’éviter et souvent il ferme les yeux pour éviter l’éblouissement. Et ce qui est déroutant c’est qu’il peut, au cours de son parcours scolaire, changer de perturbations sensorielles : ce qui était insupportable l’an dernier désormais ne l’est plus ou nettement moins.
Toutes ces particularités sont aujourd’hui bien comprises au niveau neuropsychologique et confirment à 100% que l’élève ne le fait pas « exprès », comme on peut parfois encore l’entendre et oui, Petit Pierre a sa place à l’école ordinaire, et non… le milieu scolaire ordinaire n’est trop « hostile » pour lui. Ce sont des biais cognitifs, basés sur de fausses croyances, sur lesquels nous devons tous travailler.
Mais il est vrai que sur le terrain, les élèves qui ont ce genre de particularités sensorielles peuvent chambouler le fonctionnement habituel de la classe ou en tout cas la représentation qu’on se fait de ce que une classe doit être. Mes collègues m’interrogent souvent sur l’équité du traitement qu’on devrait réserver à ces enfants par rapport aux autres élèves de la classe et on entend, dans la salle des maîtres, des questions de ce genre : ai-je le droit de lui laisser prendre son écharpe pour qu’il la mette devant son nez à cause des odeurs ? Et a-t-il le droit de garder sa casquette en classe car la lumière du néon le dérange ? Et comment expliquer aux autres élèves tous ces comportements et les « autorisations » exceptionnelles qu’on lui donne ? Est-ce juste, équitable ? Etc.
Toutes ces questions évidemment sont très justes, mais mises dans la perspective de l’implémentation des pratiques inclusives, comme souhaitée par les gouvernements, elles prennent une autre coloration. Au fond, l’équité en quoi consiste-t-elle ? N’est-elle pas de rendre accessibles les apprentissages pour chacun ?
Si on met ces particularités sensorielles, pour rester sur l’exemple traité dans ce billet, dans la perspective de classes inclusives, n’est-il pas profitable à tous les élèves d’avoir une classe aménagée sur le plan sensoriel de façon préventive ? Par exemple, des lumières tamisées, des fenêtres couvertes de films antireflets, des sols qui absorbent les bruits du petit quotidien de la classe, un diffuseur d’odeurs choisi en fonction des besoins des élèves les plus « sensibles » de la classe ? Et ce ne sont ici que quelques exemples d’aménagement de l’environnement profitable à tous… L’autre piste est d’agir non pas sur l’élève concerné, mais sur tous les élèves : pourquoi serait-il invraisemblable de donner la possibilité à tous de mettre un casque anti-bruit ? Et pourquoi le port de la casquette serait-elle encore un signe de manque de respect ? Les conventions sociales n’évoluent-elles pas avec le temps ? Pourquoi mâchouiller un fidget serait si inacceptable ? Etc.
En disant cela, je ne veux pas dire qu’il n’y a pas de mesures spécifiques et individualisées pour l’élève concerné, mais ces mesures seront bien moins « visibles », puisque cela semble être un obstacle. Honnêtement en quasi vingt ans de parcours professionnel, je n’ai jamais rencontré un seul enfant qui se soit opposé à ce que son camarade ait des mesures spécifiques qui lui fassent du bien, du moment qu’on a pris le temps d’expliquer à tous les élèves de la classe le pourquoi du comment : jamais !
Mais nous abordons là une autre question que je traiterai dans un prochain billet : celle de la sensibilisation des camarades de la classe aux particularités du TSA. Les questions sont nombreuses de la part de mes collègues : dois-je le faire ? Quand ? Comment ? Quels sont les outils ? Comment préparer l’élève concerné ? Et que puis-je faire s’il ne sait pas qu’il est autiste ? Et comment faire si je n’ai pas l’autorisation de parler de ça ? Etc.
Nous sommes ici au cœur de notre métier d’enseignants : il y a toujours une manière de faire pour permettre à chacun de nos élèves d’être « bien » là où il est et d’apprendre. Mais cela nous demande en effet de pratiquer notre métier autrement : impossible de ne pas faire un pas de côté pour voir la classe sous un autre angle. Et franchement, c’est tellement chouette de faire un pas de côté… et de voir, au final, que ça fonctionne, grâce à la compétence de chacun, à travers une collaboration forte et cohérente au service de tous nos élèves. On fait vraiment un beau métier.
Références bibliographiques :
Baruth, JM, Casanova, MF, El-Baz, AS, Horrell, T., Mathai, G., Sears, L. et Sokhadze, EM (2010). La stimulation magnétique transcrânienne répétitive à basse fréquence (rTMS) module les oscillations de fréquence gamma évoquées dans les troubles du spectre autistique (TSA). Journal de neurothérapie, 14(3), 179-194.
Just, MA, Cherkassky, VL, Keller, TA, Kana, RK et Minshew, NJ (2007). Sous-connectivité corticale fonctionnelle et anatomique dans l’autisme : preuves d’une étude FMRI d’une tâche de fonction exécutive et de la morphométrie du corps calleux. Cortex cérébral, 17(4), 951-961.
Source de la citation initiale : https://autisticadvocacy.org/wp-content/uploads/2016/05/Sensory-Access-Workbook-2016.pdf
Lire la suiteLe coaching par les pairs : une piste à explorer
La littérature scientifique met en exergue le coaching par les pairs comme un des facteurs de la réussite de la scolarisation des élèves autistes (et d’autres).
J’en ai fait l’expérience depuis plusieurs années dans l’école où je travaille et toujours avec des supers résultats : meilleure compréhension mutuelle, développement de l’empathie et du sens de la différence dans la vision plus large de la neurodiversité.
Le coaching par les pairs pour les élèves autistes peut prendre différentes formes. Par exemple, les binômes-coachs peuvent aider les élèves autistes à naviguer dans les interactions sociales en leur fournissant des stratégies pour initier et maintenir des conversations, interpréter les expressions faciales et le langage corporel, et résoudre les conflits.
Les pairs-coachs peuvent également aider les élèves autistes à s’organiser et à gérer leur temps, à comprendre les attentes des enseignants, à s’adapter aux changements dans leur emploi du temps et à gérer les transitions entre les activités.
Mais attention être coach d’un élève autiste, ça se prépare 🙂 !
L’approche clé pour le coaching par les pairs est donc de s’assurer que les pairs-coachs sont bien formés et préparés à travailler avec leur camarade. Cela peut impliquer une formation pour les binômes-coachs sur les caractéristiques de l’autisme, les stratégies de communication efficaces et les techniques de coaching.
Il est également important que les binômes-coachs soient conscients de leurs propres préjugés et de leurs limites en matière de compétences. Les pairs-coachs doivent être capables de reconnaître quand il est approprié de demander l’aide d’un enseignant pour soutenir leur camarade.
Enfin, pour que le coaching par les pairs soit efficace, il est important que les enseignants et les professionnels de l’éducation soient intégrés dans le processus. Les enseignants peuvent, par exemple, aider à identifier les élèves qui bénéficieraient d’un coaching par les pairs et fournir des orientations et des commentaires aux pairs-coachs pour améliorer leur travail.
Je propose régulièrement par le biais de Education Inclusive un atelier ZOOM ou en présentiel sur une des approches préconisées pour la formation des élèves-coaches, vidéos et documents à l’appui sur la base de mon expérience sur le terrain. Pour connaître les prochaines dates n’hésitez pas à consulter le site ou à vous abonner à nos réseaux sociaux. Nous y diffusons notre actualité 🙂
PS :
Voici quelques articles pour les curieux 🙂 et pour aller plus loin :
- Carter, EW, Asmus, JM, Moss, CK, Biggs, EE, Bolt, DM, Born, TL, … & Weir, K. (2014). Stratégies de soutien par les pairs pour améliorer la vie sociale et l’apprentissage de tous les élèves. Recherche et pratique pour les personnes gravement handicapées, 39(1), 3-16.
- Finnegan, EG, Garwood, JD et Edelstein, H. (2016). Interventions médiées par les pairs pour accroître les compétences d’interaction sociale des enfants atteints de troubles du spectre autistique : considérations pour la pratique en milieu scolaire.
- Lai, MC et Kasari, C. (2013). Une étude longitudinale de la relation entre le développement du langage et le développement social chez les enfants atteints de troubles du spectre autistique. Journal de l’autisme et des troubles du développement, 43(2), 276-288.
- Trembath, D., Balandin, S., & Togher, L. (2010). Enseignement par les pairs et communication améliorée et alternative pour les enfants d’âge préscolaire atteints d’autisme. Journal de l’intellectuel et du développement
- Kasari, C., Rotheram-Fuller, E., Locke, J. et Gulsrud, A. (2012). Faire le lien : Essai contrôlé randomisé sur les habiletés sociales à l’école pour les enfants atteints de troubles du spectre autistique. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 53(4), 431-439.
- Liu, KP, Wong, WW et Chen, LY (2013). Effets des interventions médiées par les pairs sur les interactions sociales et les compétences de jeu des enfants atteints de troubles du spectre autistique : une revue systématique.
- Santangelo, SL, & Cardon, TA (2020). Une méta-analyse des interventions médiées par les pairs pour les enfants atteints de troubles du spectre autistique. Recherche sur l’autisme, 13(2), 165-179.
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Autisme à l’école, cours niveau 1
TOUT PUBLIC – La priorité des inscriptions est donnée aux personnes concernées et à leur famille
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Divisée en deux volets, cette formation vise dans la première partie à faire un rapide point de la situation des connaissances dans le domaine du Trouble du spectre de l’autisme, en mettant en perspective la vision médicale versus les réflexions en lien avec le concept de neurodiversité.
La seconde partie présente les outils et stratégies mis en place en classe pour aider les élèves concernés et abordera la manière dont ils peuvent être, pour certains d’entre eux, utilisés à la maison. Il sera aussi question de la collaboration entre parents et professionnels.
La formation se déroulera à Genève, à partir de 8 inscrits.
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